L'Ecolière

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Le dragon au Moyen Âge

Le dragon

au Moyen Âge

 

Suprême incarnation du mal, de la tentation, du chaos et de la sauvagerie, le dragon est le plus féroce ennemi de tous les saints et de tous les preux chevaliers. Au Moyen Âge, il hante les armoiries et les enluminures de son regard mortel. Si durant l'Antiquité c'est un animal bien réel et exotique, pas particulièrement classé parmi les créatures infâmes et diaboliques, au Moyen Âge, c'est une bête aussi monstrueuses que... fabuleuse...

 

Dans l'Antiquité :

Durant cette période, le symbole du dragon est ambiguë. Il est néanmoins considéré comme un animal bien réel ou exotique (comme un crocodile, un hippopotame ou un éléphant....). Il peut représenter des dangers naturels comme Charybde et Scylla, les deux monstres qui vivent aux deux extrémités du détroit de Messine. L'une représente un gouffre meurtrier, la deuxième est un monstre affublé de plusieurs têtes assoiffées de sang.

Le dragon antique est aussi l'incarnation du chaos originel. En Mésopotamie, c'est à la mort du dragon Tiamat que l'ordre peut enfin s'instaurer et laisser place au monde et à la vie.

A l'inverse, il peut être associé à la force de la nature et de la connaissance. C'est aussi un merveilleux gardien de trésors, parfois au service des dieux, comme le fut Ladon avant d'être terrassé par Héraclès.

 

Le serpent du jardin d'Eden :

La peur et la méfiance qu'inspire le dragon au Moyen Âge prend possiblement sa source dans la légende du serpent du jardin d'Eden. En effet, l'Ancien Testament raconte que c'est un serpent qui causa la perte d'Eve et d'Adam, les premiers êtres humains. Le couple vivait au paradis avec l'interdiction formelle de ne pas croquer les fruits de l'arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Mais le serpent Na' hash incita Eve à manger la chair du fruit défendu et à en proposer à Adam. C'est ainsi qu'ils furent bannis du paradis et que le serpent fut condamné à ramper dans la poussière jusqu'à l'éternité.

Ci-contre :  peinture de Lucas Cranach.

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Des animaux froids et fourbes :

Il faut aussi admettre que les reptiles ne sont pas les plus commodes des animaux. Certains ont une langue fourchue qui inspire la fourberie par excellence. Ils vivent cachés comme des voleurs dans des cavités du sol, leur peau est froide et humide, ils se déplacent en rampant, vite et sans bruit, leurs attaques sont peu prévisibles et leur venin s'insinue dans les veines comme un poison jusqu'au coeur. Pouah !!

 

Une dimension fabuleuse :

Durant l'Antiquité, les dragons sont des reptiles, parfois affublés d'ailes ou de pattes mais ça s'arrête là. Tandis qu'au Moyen Âge, c'est la superstar du bestiaire fantastique ! En effet c'est pendant cette période qu'ils prennent leurs attribues de créature hybride et merveilleuse. Au XIIIe siècle, Wirnt de Grafenberg offre cette description extraordinaire : "sa tête était énorme, noire et velue, sauf son bec, qui mesurait un empan de long et bien une aune de large, était pointu et coupant comme un fer d'épieu fraîchement aiguisé. Dans sa gueule, il avait de longues dents semblables à celles des porcs. Il était entièrement couvert d'écailles de corne et portait, de la tête à la queue, une crête tranchante comme en ont les crocodiles qui s'en servent pour couler les navires. (...) Son ventre était aussi vert que l'herbe, ses yeux rouges, ses flancs jaunes, son corps, à son extrémité, rond comme un cierge, sa crête tranchante avait la couleur du sable et ses oreilles ressemblaient à celle d'une mule. Son haleine à l'odeur de pourriture puait plus que charogne longtemps exposée au soleil". 

 

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Dragons et autres bêtes, Maître de Boucicaut (1590-1430) 

 

Un symbole néfaste :

Cette particularité de posséder des parties du corps de plusieurs animaux fait du dragon un être contre nature qui bouleverse l'ordre divin des espèces.

La présence des dragons dans un pays s'accompagne toujours de phénomènes de corruption et de pollution. Sa présence dans le ciel est annonciatrice de catastrophes comme des guerres, des famines ou encore des épidémies. La prédiction s'annonçait d'autant plus inquiétante si le dragon était aperçu de jour en train de pousser des cris stridents. C'est le cas d'une ville au bord du Rhin, Sanctogoarin, qui fut survolée par un dragon puis réduite en cendres par un mystérieux incendie presque aussitôt. Une autre expérience de ce genre eut lieu en Angleterre en 793. Plusieurs dragons avaient survolé l'îlot de Lindisfarne. La chronique anglo-saxonne rapporte l'incident et le relie à l'invasion des Vikings à bord de leurs drakkars dont les proues étaient sculptées en forme de têtes de dragons : "peu après, au sixième jour précédant les ides de janvier, des païens détruisirent l'église de Dieu à Lindisfarne, massacrant et pillant".

 

Mangeurs de princesses :

Les dragons sont aussi connus pour être sensibles aux charmes de la gente féminine. Il n'est pas rare de lire dans de nombreux contes et légendes l'histoire d'une princesse sacrifiée au dragon pour épargner son peuple. Certains affirment qu'une fois attachée et sans défense, la jeune fille est dévorée sur le champ. Mais on peut aussi imaginer que les dragons puissent s'adonner à quelques pratiques perverses avant de croquer la chair tendre de leur victime.

Au Moyen Âge se déroule une fête traditionnelle qui met en valeur cette symbolique archétypale. C'est la fête chrétienne des rogations, destinée à assurer la fertilité des récoltes. Elle consiste en une procession populaire qui accompagne un dragon d'osier couvert de fleurs, de guirlandes et de rubans multicolores, la gueule largement ouverte et la queue fouettant l'air autour de lui, tandis que les villageois jettent du pain et des fruits au passage. Le dragon est ainsi symbole de fertilité. Selon Marie-France Gueusquin : "les textes liturgiques du Moyen Âge ont bien mis en valeur que la puissance du dragon réside, non dans son dard venimeux, mais dans sa queue. Il y est précisé que, lors des deux premiers jours, le dragon mène fièrement le cortège, la queue dressée et enflée ; le troisième jour, il suit, soumis et honteux, à l'arrière, la queue basse et dégonflée. Or, dans la symbolique médiévale, les deux premiers jours signifient les deux époques où règne le diable-dragon, le dernier jour étant celle où le Christ a triomphé." A rapprocher des statues ithyphalliques grecques...

 

Chasseurs de dragon :

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Mais heureusement, nous sommes sauvés ! Cette bête obscène, monstrueuse et contre nature est vaillamment combattue par les chevaliers et les saints. La bataille entre un dragon et un chevalier est très souvent associée à la lutte entre le Bien et le Mal. Comme le montre le combat qui opposa Draco Magnus et Saint Michel ou encore Saint George et son dragon.

Parfois, la seule puissance de la foi suffit à mettre en déroute le redoutable représentant de Satan. Comme Sainte Marthe vint à bout de la Tarasque en l'aspergeant d'eau bénite et en faisant des prières.

Le dragon symbole du pêcheur peut être transformé en un puissant allié s'il s'est repenti. C'est ainsi qu'au XIIIe siècle, un abbé parvint à absoudre des dragons qui se révélèrent être de précieux alliés contre les voleurs par la suite.

Ci-contre : Saint Georges combattant le dragon, par Raphaël vers 1504.

 

Le trésor du dragon :

Le meilleur pour la fin : les trésors !! Et oui, bien heureux est celui qui parvient à terrasser un dragon pour s'approprier son butin. 

Les trésors - et donc les dragons qui les protègent - sont généralement cachés au fond d'une grotte ou d'un océan. Le héro doit fouiller les tréfonds de la terre pour le trouver... et aussi les tréfonds de son âme. Pour vaincre le dragon, le chevalier doit être sans peur... mais aussi sans reproches. La quête du dragon est avant tout le moyen de trouver au fond de soi l'absolue pureté de l'idéal chevaleresque : vertu, foi, courage, force et loyauté. 

En Chine, le dragon est avant tout le gardien d'une perle magique qui promet vie, bonheur et connaissance à celui qui la détient.

 

Le fier baiser :

Les dragons sont parfois des êtres humains qu'une vilaine fée ou un enchanteur a transformé en bête maléfique. Pour retrouver son apparence première, le monstre doit persuader un humain de l'autre sexe de lui donner un baiser sur la gueule. C'est ce qu'on appelle le fier baiser au Moyen Âge, "fier" signifiant courageux. C'est l'ultime remède à tous les enchantements, du moment qu'il est donné par amour.

 

Le dragon au Moyen Âge est perçu comme une bête monstrueuse, contre nature, annonciatrice de malheurs, symbole de tous les maux, de tous les pêchers et du Diable en personne. Mais c'est aussi le Moyen Âge qui confère au dragon sa dimension de bête fabuleuse. Mais à travers la lutte contre le dragon s'illustre en fait une lutte entre le Bien et le mal, un combat pour un idéal de pureté et de noblesse.

 

Sources :

La Petite Encyclopédie du Merveilleux d'Edouard Brasey

Le Petit Livre des Dragons d'Edouard Brasey

Atlas, Dragons et bêtes fantastiques (collection)

 

Et bien sûr, l'incontournable blog de Silivren :

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24/02/2014
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