L'Ecolière

L'Ecolière

Le Prince Blessé (nouvelles)

Le Prince Blessé

René Barjavel

(recueil de nouvelles)

 

"Un écrivain professionnel débute dans son métier à la maternelle, quand il trace son premier bâton. Voici toutes les nouvelles que j'ai écrites depuis ce temps-là. Ce n'est pas beaucoup, même si j'en ai oublié une ou deux quelque part au fond d'une saison. Il y en a de bonnes et de moins bonnes, mais ce qui me satisfait, c'est que la meilleure est la plus récente. L'âge n'apporte donc pas que l'usure. Puissiez-vous prendre, plus ou moins, du plaisir à toutes. Et si l'une vous ennuie, excusez la faute de l'auteur."

  

R.B.

 

Je pense que ce n'est pas la peine que je m'amuse à vous faire un petit résumé de chaque histoire qui se trouve dans le recueil. Néanmoins, voici quand même quelques mots sur l'intrigue de mes trois préférées :

Le Prince Blessé : le prince Ali est aussi pur et tendre qu'un étang de lotus. Sa beauté est sans pareille, son éducation presque parfaite. En effet, toujours vierge de chair et de coeur, Ali doit apprendre à se méfier des femmes pour qu'il puisse devenir un bon roi. Son père, le grand Khalife Haroun al Raschid, décide de l'aguerrir en l'envoyant à Paris, sous la protection de son génie Omar. Très vite, Ali s'éprend d'une célèbre actrice, Pauline. Une folle passion lie les deux êtres mais l'arrivée d'un metteur en scène bulgare, Brrojislav Kadin, empreint d'idées artistiques nouvelles et excentriques, fascine la jeune femme qui ne tarde pas à délaisser le prince...

M. Charton : le patron de M. Charton lui offre une maison près de la mer. M. Charton, dépossédé de son pavillon réduit en pièces, décide de s'y installer mais il est très vite déçu : le jardin est couvert de merveilles florales et d'arbres superbes. Petit à petit il arrache et coupe tout pour s'aménager un vaste potager. L'une des seules plantes qu'il épargne est un mimosa qui pousse sur son mur. A chaque fois qu'il tente de le tuer, le mimosa trouve une parade à ses attaques. Lequel, de M. Charton ou de l'arbre à fleurs jaunes, gagnera la bataille ?

La Fée et le Soldat : Dieu a permis à toutes les fées de le rejoindre au ciel pour les protéger de la folie destructrice des Hommes. Pivette, avec ses fréquentes bêtises, se retrouve bannie du Paradis et ne pourra le rejoindre que quand elle sera devenue une femme. Pour se faire, la fée Pivette a besoin d'un homme. Mais où le trouver ? Sur cette terre ravagée par la guerre, Pivette finit par le rencontrer : un soldat qui manie le canon et la mitrailleuse à la perfection. Très vite unis par un amour indéfectible, Pivette demande à Dieu de ne jamais la séparer du jeune homme. Mais Dieu exaucera-t-il sa prière ?

J'ai beaucoup aimé toutes les nouvelles du recueil. Celles que je vous ai présentées sont le résultat d'un choix difficile car je n'ai pas été déçue une seule fois.

 

Les personnages sont comme je les aime : vrais, vivants, attachants, purs et sincères. Ils ne s'encombrent pas de superflu, c'est-à-dire de doutes, de côtés moins bons, moins présents, de traits de caractères plus pointus. Ce sont des personnages bruts, taillés dans une seule pierre noble. Ils changent du couple tragique de d'habitude. 

Toutes les nouvelles se concluent par une morale implicite, qu'il n'appartient qu'à nous de trouver. Ces histoires vivent pour nous emmener quelque part, ailleurs, dans un autre monde, mais aussi pour nous enseigner une petite chose, qu'on accepte ou pas. Cela leur donne une raison d'être supplémentaire.

Barjavel dit, à la première page, avant de se lancer dans le récit, que "la meilleure est la plus récente". Mais quelle est-elle ? Tout du long j'ai cherché un indice qui aurait pu m'indiquer une époque mais je ne sais toujours pas. "La plus récente" fait-il référence à la première, Le Prince Blessé, ou la dernière Béni soit l'Atome ? Le Prince Blessé, c'est quand même celle qu'il a choisie pour donner son titre au recueil. Mais d'un autre côté, Béni soit l'Atome reprend exactement les thèmes qu'aborde Barjavel, d'habitude, dans ses romans d'adulte. Serait-ce donc celle-là qui serait la plus récente ? Aucune idée. 

C'est vrai que malgré la variété des sujets, celui qui habite nombre d'oeuvres de René Barjavel est tout aussi présent dans plusieurs nouvelles : le futur, la fin du monde et l'excès de nouvelles technologies. C'est le cas de Péniche, La Fée et le Soldat, L'Homme Fort et Béni soit l'atome. Quand j'y pense, ces quatre nouvelles qui portent plus ou moins sur ce thème sont les quatre dernières. Un rapport avec l'énigmatique "la meilleure est la plus récente" ?

Je terminerai par quelques remarques sur trois nouvelles : Le Prince Blessé, M. Charton et L'Homme Fort, sur ce que je pense être la morale de l'histoire :

Pour la première, je dirais que la morale (c'est ce que j'en ai retenu, n'y voyez pas une analyse très pointue, c'est d'un point de vue très personnel) est "ce qui ne tue pas nous rend plus fort". En effet, le prince Ali va devoir affronter la séparation avec sa belle et l'accepter. S'il se laissait aussi facilement abattre, il n'aurait jamais pu être un bon roi. Le rôle d'un roi (comme l'illustre la tirade de Créon dans Antigone de Jean Anouilh, bac' de français oblige !) est avant tout de résister à toutes les épreuves pour le bonheur de tous. L'épreuve du Khalife, qui m'a vraiment laissée perplexe jusqu'à la fin, est très juste pour moi. Grâce à elle, Ali trouve sa force dans ce qui l'entoure, son coeur s'emplit d'amour et de la beauté du monde. Pauline a beau l'avoir quitté, ça n'a pas d'importance du moment qu'elle est heureuse. Tout ce qui se trouve sur Terre est une source de bonheur intarissable. C'est pour moi la plus belle morale de toutes celles de toutes les nouvelles du recueil.

Pour M. Charton, c'est l'originalité de ce qu'on peut en retenir qui m'a frappée. Bon, je n'approfondis pas pour garder un minimum de mystères, mais n'empêche que le mimosa se défend avec vigueur et ingéniosité. D'habitude, chez Barjavel, j'ai plutôt l'impression que ce qui est mis en valeur c'est la bêtise des Hommes et la destruction de la nature sans défense. Je ne me souviens pas qu'il ait déjà parlé d'une possible riposte de la Terre. Jusqu'à présent, je conservais l'image de forêts et de fleurs anéanties, maintenant je vois un mimosa qui ne se laisse pas faire face à l'oppresseur. Y-aurait-il donc une part d'espoir, la nature se laissera-t-elle vraiment faire selon Barjavel ?

Enfin, pour L'Homme Fort, c'est juste une minuscule remarque : l'histoire de l'homme fort, selon la nouvelle, est censée être oubliée de tous, gommée de tous les manuels scolaires. Cela donne à la nouvelle une dimension fantastique : elle est la seule à retracer un bout de notre Histoire oubliée ! De plus, elle se termine par "C'était un rêve." Oui, en effet, pour connaître l'histoire de l'homme fort, il faut bien l'avoir rêvée. J'ai trouvé ça rigolo. 

 

Le Prince Blessé est le dernier ouvrage que je lis avant de commencer ceux que compte mon challenge de lecture 2013. Au boulot !

  

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24/07/2013
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