L'Ecolière

La danse des fées

Présenté par Rozenn la fée

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 Un, deux, trois, quatre... et hop ! On recommence ! Un, deux, trois, quatre... oh ! Mélusine ! Gare ton hideuse queue de serpent ailleurs ! Tu fais tomber toutes mes danseuses !! Et toi, Perce-neige, cesse donc de jacasser ! Si vous ne vous concentrez pas davantage, vous ne serez jamais prêtes pour ce soir. Bon, où en étions-nous...  Oh ! Tiens donc, un visiteur ! En voilà de la chance, tu vas pouvoir nous dire ce que tu en penses. Ces sept jolies demoiselles vont danser avec les fées à partir des douze coups de minuit et jusqu'aux premiers rayons du soleil. Elles se réunissent ainsi tous les ans, pour la fête de la Saint Jean, et ne sortent jamais de leur lavoir du Gers. Et un, deux, trois, quatre... et hop ! Un, deux, trois... Vois comme elles sont belles... 

Un cercle infernal :

Un, deux, trois... je vois que tu ne t'y connais pas bien en danse de fées.  Mélusine ! Tu prends la relève ! Viens avec moi, j'ai quelque chose à te montrer... Prends garde où tu mets les pieds. Le voyageur solitaire qui brave une forêt enchantée est confronté à de multiples pièges. Stop ! Regarde. Tu vois ce cercle imprimé sur le sol ? Il a été dessiné par les fées, alors qu'elles se livraient à une danse  endiablée. L'herbe foulée par leurs pieds ne repousse jamais. Il est difficile pour un mortel de résister à leurs cris de joie. Mais lorsqu'il cède à la tentation, il est pris dans une ronde sans fin et il tourne jusqu'à l'épuisement... parfois jusqu'à la mort... Notre ami, l'illustre elficologue Ismaël Mérindol, disait que    "Celui qui danse avec les fées Voit sa dernière heure arrivée."

Il n'avait pas tort...  Le seul moyen d'y échapper est d'être accompagné. Si tu te trouves pris dans la ronde des fées, ton ami peut l'interrompre en mettant un pied  dans le cercle, tout en gardant un pied à l'extérieur. Ainsi, les fées ne peuvent plus tourner, le charme est brisé et te voilà délivré ! Pourquoi faisons-nous cela ? Ce n'est pas du tout de la cruauté. Nous les fées n'avons pas la même notion du temps que les mortels. Une danse de quelques minutes représente parfois des siècles entiers...

 Au son des aiguilles magiques :

Tu dois te demander ce qui rythme nos danses effrénées. Ecoute... je l'entends d'ici... ... ... quoi ? Tu n'entends rien ? La musique doit être trop fine alors. Je comprends maintenant ce qu'a voulu dire Geoffrey Hodson* : c'est une "musique très faible, lointaine, trop délicate pour être transcrite, comme celle que produiraient des petites aiguilles délicatement harmonisées, suspendues et frappées avec de petits marteaux." C'est délicieux, non ? Ce petit air me donne des fourmis dans les jambes ! Et il n'y a pas que moi ! Regarde ces deux moineaux. Ils accompagnent déjà l'orchestre. Comme quoi, les animaux non plus n'échappent pas au sortilège ! On raconte que, dans les années 1850, un fermier voyageait de nuit avec son cheval, dans la forêt. Les fées ont saisi la bride et ont entraîné le quadrupède dans la ronde si bien que le lendemain, le fermier était totalement perdu.   Oh ! Viens avec moi ! Nous allons nous éloigner quelques minutes. Il y a un ballet féérique que tu ne peux pas rater !

* in  Les fées au travail et au jeu.

La danse des sables : Nous y voilà. Nous sommes en Bretagne, près de la plage de Paramé. Vois-tu ces dunes de sables ? Eh bien ce sont des lieux  de danse incontournables pour les fées. Elles s'y réunissent normalement à cette heure-ci. Tu vas voir, ce sont les plus belles dans... oh chut ! Les voilà ! Regarde comme elles sont gracieuses.  Leurs robes se soulèvent avec la grâce du printemps... Autrefois, elles avaient un refrain :   "Vendredi, Samedi,   Et dimanche !"   Mais les malheureuses ne pouvaient pas s'arrêter de danser tant qu'elles n'avaient pas trouvé une fin à leur couplet. Une couturière bossue avait entendu parler de cet horrible sortilège. Alors elle se mêla à la danse des fées et compléta la comptine...

"Vendredi,

Samedi,

Et dimanche,

Et lundi !

Le charme était rompu. Pour remercier la couturière, les fées lui ôtèrent sa bosse qui est devenue l'une des dunes de sable, sur la plage de Panamé. Restons encore un moment, c'est un spectacle unique...

Les trois fils de Luzignan :

 Je vois que cette histoire éveille ta convoitise ! Toi aussi tu aurais bien aimé les rejoindre, ces jeunes filles, pour terminer leur chanson ! Taratata ! Tu rentres avec moi !

Oh ! Ne sois pas si déçu. Je vais te raconter une histoire**. Au XVIe siècle, trois jouvenceaux, les fils du seigneur de Luzignan, rencontrèrent trois jolies fées de la cour de Mélusine. Ils dansèrent avec les demoiselles jusqu'au bout de la nuit mais, lorsque le jour pointa ses premiers rayons, elles furent contraintes de rejoindre le royaume de féérie. Mais avant de partir, elles accordèrent un souhait à chacun d'entre eux pour les remercier. Tu sais ce qu'il te reste à faire...

** Paul Sébillot, Croyances, mythes et légendes des pays de France.

Un, deux, trois, quatre... et hop ! Comme tu vois, il me reste encore du travail sinon ces dames ne seront jamais prêtes pour ce soir.  Et un, deux, trois, quatre... et hop ! Fais donc attention, Perce-Neige ! Les fées ne dansent plus autour des fontaines depuis longtemps, mais autour des menhirs qu'elles ont contribué à ériger... comme chacun sait... Et un, deux, trois, quatre... et hop ! Il est temps pour toi de nous laisser, cher visiteur. L'heure n'est plus à la visite. Des grands mystères vont s'accomplir ici, et les fées tiennent à garder un voile secret sur leur monde enchanté... oui, c'est ça, bon vent ! Allez, oust ! Les répétitions sont presque finies, il va falloir commencer...

 La Danse des fées, de Thierry Tisserand, jouée avec un capodastre à la deuxième case (comme indiqué par le compositeur), sur une guitare avec une table en épicéa. 

Sources : Le Guide du chasseur de fées, Edouard Brasey