P comme pingre (adjectif)
P comme...
Pingre
Définition : être pingre, c'est être très avare, avec une pointe de mesquinerie. Théoclaste définit la pingrerie comme "une économie de la dépense qui dépasse les bornes".
Expression proche : "être une pince", c'est-à-dire, être quelqu'un qui garde les choses dans la main (la "pince"), quelqu'un d'avare en fait, simplement.
Etymologie : le mot latin qui se rapproche le plus de "pingre" est "piger" qui signifie "paresseux". Ce mot a donné l'adjectif "pigre" en ancien français, qui a le même sens*. Le mot a ensuite certainement évolué pour former "pingre" et a changé de sens (ce qui arrive fréquemment quand on étudie le latin : on sent que le mot latin et le mot français ont la même racine pourtant on ne peut pas les associer parce que la signification du mot français a changé).
Cependant, d'après Fournier, l'origine du mot viendrait de "épingle" car on disait que les juifs enfonçaient des pingres (des épingles) dans la chair des enfants pour dire qu'ils étaient de véritables usuriers. Aucun texte n'en témoigne mais vous allez voir que le rapport entre "pingre" et "épingle" est loin d'être bouclé !...
Ce qu'en dit Rabelais : Rabelais emploie le mot "pingres" (au pluriel) pour désigner un jeu d'osselets, les Martres, qui porte le nom de pingres en Anjou. Ce qui est surprenant aussi c'est que le jeu des pingres se jouent avec des épingliers, des petites boules rondes, et de plus, le nom du jeu des pingres est pinglers à Metz, certainement à cause d'épingliers. Il est possible que dans ce contexte, le mot "pingre" qui sert à désigner le jeu fasse aussi référence aux épingliers, comme pour l'appellation de Metz.
Une traduction de l'oeuvre de Rabelais en anglais propose l'équivalent "push-pin", qui signifie "jeu d'épingles".
L'expression "jeu d'épingles" peut aussi avoir évoluée vers "jeu des pingres" à cause la sonorité proche et des deux expressions.
De plus, les osselets peuvent venir de la colonne vertébrale de certains animaux, c'est-à-dire, leur "épine" du dos. "Epine", en latin, se dit "spina" et a possiblement la même étymologie que "épingle" qui peut amener vers la prononciation "pingre"...
Le pingre voleur : plusieurs expressions comme "un marchand d'épingles", marchand qui vend de la pacotille, ou "je n'en donnerais pas une épingle", pour dire que je ne donnerais même pas trois fois rien, rapprochent le mot "épingle" de quelque chose presque sans valeur. C'est ainsi que quelqu'un qui est désigné comme une épingle, donc comme un pingre suivant une possible évolution de prononciation, est présenté comme un pauvre, voire un mendiant ou un voleur par extension puis, par croisement avec quelqu'un qui ramasse des épingles, un avare.
Evolution du sens : fin XVIIIe siècle, quelqu'un de "pingre" est perçu comme un "brigand". Il a ensuite évolué vers "pauvre", "malheureux", "effronté et malin", "piètre, mesquin" durant le XIXe siècle avant d'obtenir la signification "avare".
On voit bien que même si "pingre" serait plutôt issu de "pigre" venant lui-même de "piger" vis-à-vis de ressemblances orthographiques, le parallèle avec le mot "épingle" n'est pas aussi incongru !
*d'après le Littré, "pigre" signifierait aussi "lâche" voire "misérable".
Sources : Wiktionnaire - L'internaute - Dictionnaire Littré - Oeuvres de Rabelais, édition Variorum Vol. 1 - Robert Historique de la langue française